Moved to tears. Staging emotions
Galerie nationale de Finlande / Musée des beaux-arts Sinebrychoff, Helsinki
13.9.2018 – 3.3.2019
Sur scène

Dès son entrée en scène, l’actrice disparaît derrière l’héroïne qu’elle interprète. Le spectateur s’émerveille de cette illusion, sans plus savoir si ses applaudissements vont à l’actrice ou à son personnage. La sensibilité des acteurs est louée, capables de faire vibrer une salle entière.
Depuis le XVIIe siècle, la représentation des émotions, ou « passions de l’âme », suit certaines règles. L’admiration, la joie ou l’effroi sont dénombrés scientifiquement par René Descartes et leur représentation est fixée par le peintre Charles Le Brun. L’expression du visage et la gestuelle sont codifiées pour permettre d’identifier les émotions dans les représentations picturales comme théâtrales jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Libérées des troupes de théâtre, ce sont les vedettes qui attirent les foules. Les actrices, danseuses ou cantatrices font l’objet d’une idolâtrie nouvelle, qui sert leurs carrières. Elles se font photographier et peindre dans les rôles qui les ont rendues célèbres, et donnent un aperçu de leur réussite dans des commandes de portraits mondains. Passionné de théâtre, Albert Edelfelt devient le peintre attitré des célébrités finlandaises, dans un partage consenti de la notoriété.

Carolina Cordelia Berger, Alina Frasa, v. 1840, The National Museum of Finland.
Dès ses débuts en Finlande en 1846 à l’âge de douze ans, Alina Frasa incarne la ballerine romantique, fragile et légère. Aleksis Kivi aurait été subjugué par sa grâce, contribuant à sa qualification de première danseuse professionnelle de Finlande. Les petits chaussons rouges, mettant en évidence la position de ses pieds montés en demi-pointe, sont caractéristiques du ballet romantique. Ce grand portrait d’Alina Frasa en costume de scène équivaut à une enseigne pour ses prestations de danseuse et ses cours de ballet, à l’époque où la ballerine allemande s’installe à Porvoo pour faire rayonner la danse classique dans tout le pays.

Albert Edelfelt: Aino Ackté en Alceste sur les bords du Styx, 1902, Ateneum.
Un important changement intervient sur scène à l’époque néo-classique, lorsque le costume « contemporain » est remplacé par celui « d’époque » – époque de la narration et non de son auteur. La simple tunique grecque portée par Aino Ackté dans le rôle d’Alceste, pour l’opéra écrit en français par Gluck au XVIIIe siècle, confirme cette nouvelle tradition à l’orée du XXe siècle. Albert Edelfelt se positionne dans la salle comme tout spectateur et « admirateur », ainsi que le souligne la dédicace. Il peint sans équivoque un portrait de scène, reprenant l’éclairage artificiel de la rampe placée sur le devant de la scène. Aino Ackté chante l’air « Divinités du Styx », scène tragique dans laquelle la reine Alceste s’apprête à se sacrifier pour sauver le roi son époux. Le fleuve de l’enfer, le Styx, est identifié par une mer noire tumultueuse et un ciel plombé, qui participe à l’effet dramatique voulu par le peintre.

Musée du Théâtre, Helsinki
Apparitions

L’un des ressorts de l’action depuis la tragédie antique est le Deus ex machina – l’apparition extraordinaire des dieux sur scène, provoquant le dénouement inattendu de la pièce. Grâce à d’ingénieuses machineries, le théâtre baroque multiplie les effets spectaculaires, faisant descendre sur scène les acteurs posés sur des nuages. La surprise devient l’un des éléments-clés de la dramaturgie, permettant d’introduire de nouveaux personnages et de susciter toute une variété de réactions.

Anton Raphael Mengs, Le Rêve de Joseph, Sinebrychoff Art Museum.
Anton Raphael Mengs fait du Joseph biblique un homme dans la force de l’âge, déterminé à accomplir sa destinée et à obéir à l’ordre divin en partant pour un périlleux voyage avec sa famille. Plutôt que de mettre en scène une action exemplaire, le rêve exprime un drame psychologique. L’éclairage contrasté, entre l’obscurité de la nuit et de la réflexion et l’apparition lumineuse de l’ange, souligne la dualité de la décision. En plongeant partiellement le héros dans l’ombre, en éliminant tout décor et accessoire inutile, Mengs concentre l’attention du spectateur sur un moment décisif qui engendrera l’action. Cette tension évoque le Brutus de Jacques-Louis David, héros néo-classique torturé par ses contradictions intérieures, porté au théâtre par le célèbre acteur Talma.

Anton Raphael Mengs, Le Rêve de Joseph, Sinebrychoff Art Museum.
Les légendes nordiques, qui depuis la fin du XVIIIe siècle renouvellent les sujets mythologiques et religieux, s’accompagnent d’un nouvel imaginaire visuel, inspiré par les brumes du Nord. Les panoramas éclairés par l’arrière au gaz, avec projections de lanternes magiques sur des écrans de fumées et bruitages, alors en vogue, ont fasciné les peintres et participé à l’invention des atmosphères fantastiques nordiques. Occasionnellement décorateur de théâtre, Robert Wilhelm Ekman se montre familier des effets obtenus sur scène grâce aux machineries et aux éclairages lorsqu’il entreprend, à Paris en 1858, d’illustrer le Kalevala.
La peinture cherche à reproduire cet effet de surprise. Elle reprend dans ses compositions le dispositif scénique élaboré au théâtre. Depuis le XVIIe siècle, l’emplacement symétrique des décors, de part et d’autre de la scène, est conditionné par le point de vue du roi.
Dans un souci de vérité, les acteurs de l’époque des Lumières préfèrent ignorer le public et se tourner vers leurs partenaires sur scène. L’intensité des émotions est renforcée par ce stratagème, qui prône l’illusion. La salle constitue un quatrième mur, qui clôt la scène. Il devient possible de présenter des personnages de dos, qui découvrent sur scène ce que voit le spectateur.

Louis Lagrenée, Pygmalion dont Vénus anime la statue 1777, Sinebrychoff Art Museum.
La métamorphose de la statue de Galatée en femme est au cœur de nombreuses interprétations à la fin du XVIIIe siècle par des artistes classiques, critiques d’art et auteurs de théâtre. Louis Lagrenée réalise plusieurs peintures sur le sujet, qui tiennent partiellement compte des suggestions de Denis Diderot. Le tableau se concentre sur le point culminant de la métamorphose, au moment où la statue de marbre prend vie. Ce coup de théâtre se produit sous les yeux du spectateur, pour lequel un angelot ouvre le rideau de scène. Comme l’imaginait Diderot, le prodige suscite de multiples réactions rendues par un faisceau de regards et de gestes. Les nuages épais sur lesquels reposent Vénus et ses angelots appartiennent encore au théâtre baroque ; ils brisent l’illusion et donnent à voir que derrière les dieux, se cachent des acteurs.

Charles Benazech, La Liberté du braconnier, 1778, Sinebrychoff Art Museum.
La Liberté du braconnier et son pendant Le Retour du laboureur répètent les solutions appliquées par Jean-Baptiste Greuze, auprès duquel Charles Benazech s’est formé. Ces œuvres sont des réponses à Denis Diderot, qui souhaitait qu’en peinture comme au théâtre, les personnages ignorent le spectateur. La gestuelle et les regards appuyés permettent de comprendre le drame qui se déroule sous les yeux du spectateur, comme s’il était sourd et muet. En mettant tous les moyens de « l’éloquence muette » en œuvre, le peintre souligne le caractère pathétique et moralisateur de la scène, comme dans le drame bourgeois inventé par Diderot au théâtre.
Scènes

Pour s’être développé tardivement, la scène théâtrale finlandaise ne s’est pas moins développée rapidement et avec un trilinguisme original. Tant que la Finlande était une province suédoise, les représentations théâtrales étaient le fait de troupes de passage, allant de Stockholm à Saint-Pétersbourg.
La construction des premiers théâtres date du Grand-Duché russe de Finlande, alors qu’il n’y avait pas encore d’acteurs professionnels ni de répertoire national. A la fin du XIXe siècle à Helsinki, un Théâtre populaire jouait en suédois finlandais, tandis que le Théâtre suédois restait fier de son répertoire « sérieux » joué par des acteurs venus de Suède. En 1879, le Gouverneur russe Nikolai Adlerberg faisait construire le Théâtre Alexandre sur le Boulevard. Bénéficiant de sa proximité avec Saint-Pétersbourg, le théâtre reçut de grandes actrices et des étoiles du ballet russe, ainsi que la création de pièces qui venaient d’être lancées sur la scène russe.
Le théâtre de langue finnoise fut le dernier construit à Helsinki, inauguré seulement en 1902. La première troupe professionnelle de langue finnoise avait été constituée en 1872, privilégiant les premières pièces en finnois d’Aleksis Kivi et de Minna Canth. Un siècle durant, trois langues, trois répertoires et trois scènes firent ainsi vibrer le public de la capitale.

Installé à Florence, Jacques Callot fut chargé d’illustrer le livret de la tragédie Il Solimano, écrite par Prospero Bonarelli. La représentation, donnée au théâtre des Offices en 1619 devant la cour du Grand-Duc de Toscane, remporta un grand succès. Un décor représentant la ville de Florence créé par Orazio Scarabelli pour de grandes fêtes de mariage en 1586, fut réemployé afin d’évoquer cette fois la ville d’Alep, en Syrie. L’orientalisme de la pièce se retrouvait dans les costumes créés pour le spectacle.
Callot invente ici un système de notation permettant de figurer la position des acteurs sur scène au cours des cinq actes de la pièce (quatre gravures sont conservées dans les collections du musée des beaux-arts Sinebrychoff). Le spectacle est conçu en fonction du point de vue central du grand-duc dans la salle, et respecte une symétrie harmonieuse. Les gravures, qui conservent le souvenir d’une représentation théâtrale, relèvent de la politique fastueuse des Médicis à Florence.
Ravissements
Si au XVIIe siècle les larmes étaient appréciées comme expression de la sincérité, il devint rapidement inconvenant de montrer ses émotions en public. La retenue l’emporte et l’émoi ne fut consenti, avec un mépris croissant, qu’aux femmes. Seuls les Pays-Bas célébrèrent sans vergogne les plaisirs de la vie. Le rire de la farce y était d’autant plus franc qu’il dénonçait des situations cocasses.
Les « mystères » du moyen-âge avaient invité à revivre les épisodes de la Bible et ses miracles. La représentation du ravissement, qu’il soit amoureux, esthétique ou mystique, s’inscrivit ainsi aux sources de la théâtralité. Mis en scène sous la forme d’évanouissements, d’extases ou de métamorphoses, le ravissement supposait l’élévation de l’âme et permettait de goûter au paradis. Par adhésion fusionnelle avec la scène qui se déroulait sous ses yeux, le spectateur perdait son contrôle et exprimait sa sensibilité.

Jacob Willemsz de Wet l’Ancien, Amaryllis couronnant Mirtil (Le Berger fidèle), Sinebrychoff Art Museum.
En reprenant les personnages de la nymphe Amaryllis promise à Silvio mais amoureuse du berger Mirtil, le peintre flamand du XVIIe siècle cite de façon explicite la célèbre pièce de théâtre de Giovanni Battista Guarini Le Berger fidèle. Le costume de cour, utilisé sur scène comme en peinture, souligne le caractère fictif des personnages, éloignés de la réalité des campagnes. Le peintre inscrit dans un losange les principaux personnages de la pièce : le berger Mirtil invite Amaryllis à la réflexion ; Amaryllis arrête son geste en découvrant le regard d’amour échangé entre la nymphe Dorinda et Silvio. La séductrice Corisca détourne le regard, réalisant sa défaite. Semblable à celui utilisé au théâtre, le langage des gestes et des regards accompagne silencieusement la narration.

Claes Cornelisz. Moeyart, Mooy-Aal et ses prétendants, Serlachius Museum.
Peintre et administrateur du théâtre Van Campen à Amsterdam, Claes Cornelisz. Moeyart s’inspire pour sa peinture d’une pièce de théâtre burlesque de Gerbrand Adriaensz. Bredero Mooy-Aal et ses prétendants. Le théâtre faisait partie des activités des « chambres de rhétorique » hollandaises, où poètes, auteurs et artistes se rencontraient et festoyaient. Les pièces de théâtre étaient souvent articulées autour d’un choix, ici celui de la belle Mooy-Aal. Courtisée par un vieil homme fortuné et par un beau jeune homme volage, elle se tourne vers un troisième larron qui lui suggère ironiquement de prendre les deux pour amants afin de profiter des avantages de la jeunesse et de la richesse. La tradition d’arrêter l’action en formant un « tableau vivant » se retrouve dans cette composition, où la gestuelle, les expressions et les accessoires explicitent le sujet de la pièce.
Gloire et mort du héros

Les types de personnages créés pour la scène et immédiatement reconnaissables permettaient d’établir une connivence avec les spectateurs. Outre son caractère divertissant, le théâtre avait une fonction d’enseignement moral, ses héros et héroïnes faisant figures d’exemples. Au XIXe siècle, l’admiration céda la place à l’attendrissement. Les représentations de la mort du héros furent privilégiées sur les victoires, pour mieux toucher les spectateurs. Les auteurs cherchèrent ainsi à obtenir l’adhésion du public avec leurs idées politiques ou religieuses sous-jacentes.
A partir de l’époque romantique, la peinture d’histoire, en costume d’époque, choisit de suspendre l’action sur un point culminant, comme on le faisait au théâtre avant la tombée du rideau. Les décors, les éclairages, les regards qu’échangeaient les personnages, leurs gestes et jusqu’aux accessoires furent parfaitement réglés. Le rideau de scène rouge, qui isolait la représentation, acheva de replier la scène sur elle-même et de condenser les émotions.

Helene Schjerfbeck, La Mort de Wilhelm von Schwerin, 1886, Château de Turku, et 1927, Serlachius Art Museum.
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Lorsqu’Helene Schjerfbeck entreprend de peindre la mort du jeune soldat de quinze ans, Wilhelm von Schwerin en 1879, elle s’appuie sur une longue tradition de « lit funéraire », dont La Mort de Germanicus de Nicolas Poussin (1628) est la référence. En cette fin du XIXe siècle, la gestuelle et l’expression du visage ne sont plus codifiés et se veulent désormais proches du ressenti des acteurs. Dans la seconde version de 1886, le décor de la grange dans laquelle repose le brancard prétend à la véracité historique, afin d’insister sur le caractère finlandais de la scène. L’identification des personnages était évidente pour le public de l’époque, familier du célèbre roman de Johan Ludvig Runeberg, Les Récits de l’enseigne Stål, à l’origine de la glorification de von Schwerin. La suppression des personnages subsidiaires, dans la reprise que Schjerfbeck fait de son œuvre en 1927, permet de se concentrer sur la méditation du lieutenant au chevet du jeune mort. Elle suit l’évolution du goût pour l’épure, la réduction des figurants et des accessoires étant destinée à se concentrer sur le moment de grande intensité.
Terreur et furie


Le XIXe siècle fut l’âge d’or de l’opéra qui, aux côtés du drame, remportait un succès phénoménal auprès du public. Les reconstitutions historiques donnèrent lieu à des décors spectaculaires, avec une profusion d’accessoires et de figurants. Les décorateurs s’inspirèrent de la peinture de paysage romantique pour élaborer leurs toiles de fond, dont les effets furent accentués par des éclairages dramatiques au gaz.
La peinture d’histoire rivalisa avec le théâtre, et chercha à condenser en une seule image le déroulement de tout un récit. Pour évoquer plusieurs moments successifs, le peintre introduisit un espace vide, qui suggérait le déplacement des personnages entre deux points. Eugène Delacroix intégra un regard qui se tournait vers l’extérieur du tableau pour faire comprendre que quelque chose se passait hors-champ.
Plutôt que de représenter un acte violent, le peintre préféra suggérer le moment qui venait de se passer et celui qui allait suivre. Ces stratagèmes inspirés du théâtre permirent de susciter une forte émotion chez les spectateurs, et de créer un suspense nouveau en peinture.

Albert Edelfelt, Le Village incendié, Finnish National Museum.
Si la Guerre des gourdins appartient à l’histoire de la Finlande au XVIe siècle, l’épisode décrit par Albert Edelfelt est purement fictif. Sa volonté de présenter l’événement historique au travers du regard d’individus vulnérables est une façon de théâtraliser l’histoire. Ce non-événement est renforcé par l’absence d’action : isolés derrière un rocher, une jeune fille, un vieil homme et un enfant se détachent de l’armée de Clas Fleming, qui se déploie au loin. Le village est brûlé, et il ne se passe rien d’autre qu’une attente anxieuse. Le vide qui sépare l’action passée du moment présent concentre tout le suspens. Le spectateur se tient derrière la jeune femme et s’interroge avec elle sur ce qui va se passer, comme s’il assistait à la représentation d’un mélodrame.

Albert Edelfelt, Le Village incendié, Finnish National Museum.
Quarante-cinq années séparent la copie d’Adolf von Becker (1867) de la peinture d’Eugène Delacroix (1822). La Barque du Dante est devenue un symbole de la peinture romantique, où le héros n’est plus montré victorieux mais saisi d’effroi. Les damnés tentent d’échapper à l’Enfer en s’accrochant à la barque dans un décor tumultueux. Le spectateur partage la terreur du Dante, que Virgile tente de rassurer en lui prenant la main. La rhétorique des gestes et des expressions est conservée, mais plutôt que d’être rapporté par un narrateur, le drame se produit sous les yeux du spectateur dans toute son horreur. Grâce à la découverte du théâtre de Shakespeare, où la mort se produit sur scène, Delacroix a bouleversé les règles de la bienséance classique, anticipant la révolution du théâtre romantique.
Racine contre Shakespeare

La Shakespeare Gallery, fondée par John Boydell à Londres en 1786, fut l’un des temps forts de la rencontre entre peinture et théâtre. Les 170 tableaux inspirés par les pièces de William Shakespeare furent diffusés par de grandes gravures. Le succès de la galerie favorisa la découverte de Shakespeare dans toute l’Europe, et introduisit des sujets issus du théâtre en peinture. Le caractère merveilleux des pièces de Shakespeare donna naissance à des évocations fantastiques, à l’origine du romantisme européen.
En réaction, le théâtre classique de Jean Racine devint l’objet d’un culte en France. Ce théâtre de la passion ravageuse exigeait une noble retenue des personnages. Une polémique éclata en France, exprimée dans le pamphlet de Stendhal, Racine et Shakespeare (1823). Les auteurs romantiques réclamèrent l’abandon de la vraisemblance classique, qui voulait que la pièce se concentre sur une seule action, se joue en un même lieu et se déroule sur une seule journée. L’éclatement de l’espace-temps autorisa les changements de décors et le développement des intrigues pouvant se dérouler sur années.

Gioacchino Giuseppe Serangeli, « Titus », d’après Jean Racine, Bérénice, Acte IV, Scène IV, Sinebrychoff Art Museum.
Après avoir été méprisées au XVIIIe siècle, les tragédies de Jean Racine sont à nouveaux jouées au lendemain de la Révolution française. L’éditeur Pierre Didot entreprend de publier un « monument » en l’honneur de Racine, et se tourne vers Jacques-Louis David. Le peintre désigne ses meilleurs élèves pour illustrer les pièces, à raison d’une estampe par acte. David avait une relation forte à la scène grâce à son tuteur, auteur de théâtre. Sur le conseil de David, l’acteur Talma introduit la toge romaine et donc le costume d’époque sur scène. David lui demande conseil à son tour pour étudier les poses de ses héros. David crée des héros exemplaires, dignes devant les épreuves de la vie, tandis que les figures féminines éplorées témoignent de la profondeur du drame. Une atmosphère étouffante d’huis-clos est produite par l’absence de communication entre les personnages, repliés sur leur douleur. Girodet et Guérin poursuivront les sujets raciniens en peinture, entraînant leurs personnages vers une plus grande sensualité.

Henry Fuseli, « Macbeth, Banquo et les trois sorcières », d’après William Shakespeare, Macbeth, Acte I, Scène III, Ostrobothnian Museum,Vaasa.