Palais Lumière, Evian

24.11.2018 – 17.2.2019

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Une sculpture du Fabuleux Village des Flottins se tient à l’entrée du Palais Lumière.

 

Photo : Paul Pastor

La neige crisse sous les pas, les lacs et la mer sont gelés, l’air est sec et le soleil resplendit dans toute cette blancheur. Au loin, un pêcheur s’est installé au bord d’un trou découpé dans la glace et attend patiemment que cela morde.

Vous êtes en Finlande, par une belle journée d’hiver. Le silence est parfait, la nature en suspens.

Que va-t-il se passer à présent ?

Akseli Gallen-Kallela (1865-1931)
et le Grand Kalevala

Le grand mythe du Kalevala, collecté auprès des bardes de Carélie, dans l’Est de la Finlande, avait servi de sujet à de nombreuses peintures d’Akseli Gallen-Kallela dans les années 1890. Ses peintures étaient devenues emblématiques du Romantisme national et avaient contribué à forger l’identité nationale finlandaise à la fin du XIXe siècle. Lorsqu’il retourna au grand mythe dans les années 1920, la Finlande était devenue une nation indépendante et se tournait vers la modernité.

Akseli Gallen-Kallela séjournait dans la colonie d’artistes de Taos, au Nouveau-Mexique lorsqu’il entreprit un vaste projet de livre enluminé, Le Grand Kalevala. En s’inspirant du répertoire décoratif des Indiens de Taos, il souligna l’archaïsme du Kalevala et l’associa à un primitivisme moderne. De retour en Finlande, le projet fut néanmoins abandonné par l’artiste.

Joseph Alanen (1885-1920),
l’autre grand illustrateur du Kalevala

 

L’idée directrice qui soutenait les peintures de Joseph Alanen consacrées au Kalevala n’est pas connue. Pourtant l’utilisation de la technique a tempera sur une toile grossière, qui produit un effet de tapisserie, la répétition d’un même format et la palette restreinte laissent à penser que chacune des peintures était conçue pour s’intégrer à un projet d’ensemble.

 Bien qu’oublié en raison de sa mort prématurée, Joseph Alanen s’inscrit parmi les grands peintres modernes des débuts du XXe siècle, prenant la relève du Symbolisme. Il s’affranchit de tout réalisme en utilisant une ligne stylisée et des aplats de couleurs, qui dénotent une démarche profondément intellectuelle. Plutôt qu’une simple paraphrase visuelle des chants du Kalevala, ses peintures apparaissent comme une projection mystique de la légende finlandaise.

Photo : Jari Kuusenaho

 

 

Joseph Alanen, Les Vierges de Vallamo, Kalevala, Chant V, 1919-1920,
Musée des beaux-arts de Tampere

 

Rudolf Koivu (1890-1946),
les débuts symbolistes

Rudolf Koivu apporta à l’illustration finlandaise un véritable regard de peintre et une connaissance avancée de l’illustration moderne. Son enfance à Saint-Pétersbourg et sa maîtrise du russe l’avaient familiarisé avec la pensée des artistes du Monde de l’art, qui concevaient l’illustration comme une œuvre artistique inspirée, et non assujettie à l’œuvre littéraire.

Les artistes symbolistes européens avaient vu dans le conte une matière permettant de réenchanter le monde moderne. Ils lui avaient emprunté ses princesses et petites sœurs diaphanes, ses voyages initiatiques dans des mondes engloutis, et ses monstres effrayants tapis dans l’obscurité des forêts profondes. Rudolf Koivu rendit au conte l’iconographie symboliste qui s’en était inspirée.

 

 

Rudolf Koivu, illustration pour Petit Matti s’en va à la pêche,
Fondation culturelle Amer / Musée des beaux-arts de Tuusula.

Martta Wendelin (1893-1986),
illustratrice de l’enfance

Proche des premiers auteurs finlandais pour la jeunesse, Martta Wendelin sut se faire sa meilleure interprète avec des images attentives aux espérances de l’enfance. Au pays du père Noël, les enfants rêvaient de moments enchantés loin de leur quotidien souvent précaire. Pas plus haut qu’une fraise des bois, ses personnages étaient autant de petits poucets engagés dans d’incroyables aventures.Toujours flanqué de son parrain le Lutin savant, d’une chatte et d’un chien, le petit Jukka-Pekka des contes d’Aili Sommersalo apparaissait dans de merveilleuses images lilliputiennes, embarqué sur une cosse de petit pois ou à dos de libellule.

Les restrictions budgétaires qui limitèrent le recours à l’impression en couleur n’empêchèrent aucunement l’éclosion du style de Martta Wendelin, qui sut restituer tous les traits de l’enfance, du caprice à l’audace et à la gourmandise.

 

 

Martta Wendelin, illustration pour Le Cadeau de la Maîtresse des eaux,
texte d’Anni Swan, Musée des beaux-arts de Tuusula.

Le manoir légendaire de Suur-Merijoki

Dans les environs de Vyborg, non loin de Saint-Pétersbourg, se tenait Suur-Merijoki – un manoir de conte de fées. Conçu entre 1901 et 1903 par le trio d’architectes Saarinen-Gesellius-Lindgren célébré lors de l’Exposition universelle de 1900 à Paris pour leur Pavillon de la Finlande, le manoir alliait architecture et arts décoratifs dans le plus élégant style Art nouveau. De somptueuses aquarelles des architectes Eliel Saarinen et Herman Gesellius et quelques pièces de mobilier sont tout ce qu’il reste de ce lieu enchanté, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale.

Depuis la fin du XIXe siècle, la diffusion de l’architecture passait par l’illustration, présentée lors d’expositions ou publiée dans des revues. La frontière entre art et architecture s’estompe dans ces aquarelles, qui soulignent la dimension onirique de la résidence d’été de la famille Neuscheller.

 

 

Eliel Saarinen, Projet pour le buffet et le tapis de la grande salle du manoir de Suur-Merijoki, 1903,
Musée finlandais d’Architecture.